Invité du Mois : Calixte Nganongo, ministre congolais des Finances, du Budget et du portefeuille public

13 mai, 2017

Depuis son entrée au gouvernement le 30 avril 2016,  c’est pour la première fois que l’argentier congolais se prête aux questions de notre magazine. Sans tabou, ni langue de bois, il dit sa part de vérité sur l’état financier du Congo dans cette interview.

 

Propos recueillis par Jean Claude Kakou et Messilah Niangui Nzoussi

 

J.C.K / M.N.N: Monsieur le ministre, une question d’échauffement avant de commencer notre entretien. Nous n’entendons plus que cette phrase au quotidien « L’argent ne circule plus ». Est-ce qu’il est juste de dire que l’argent ne circule plus ?

M. Calixte NGANONGO : D’abord, je vous remercie de m’avoir invité dans vos colonnes. « L’argent ne circule plus », c’est vous qui le dites. On dit aussi que « l’argent n’aime pas le bruit ». Cela peut vouloir dire aussi qu’il circule en silence.

J.C.K / M.N.N: Monsieur le Ministre, les pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), presque tous producteurs de pétrole, se portent très mal, suite à la chute brutale des coûts des matières premières, notamment le pétrole. A ce jour, quelle est la situation financière du Congo ?   

M. Calixte NGANONGO: Cela se juge à quelques agrégats, comme le taux de croissance et le taux d’inflation. Cela se juge aussi à l’articulation budgétaire. Aujourd’hui, la situation est  peu reluisante. C’est le moins qu’on puisse dire, puisque  votre question fait allusion à la CEMAC. Il en est ainsi de tous les pays de la CEMAC, plus particulièrement ceux qui sont producteurs de pétrole. C’est-à-dire qu’à un moment donné, on a mis plus d’accent sur les recettes  pétrolières, au lieu de diversifier l’économie. En dehors du Cameroun qui a une économie fortement diversifiée, on peut dire, en toute évidence, que tous les pays de la CEMAC vont très mal !

J.C.K / M.N.N : Suite à la situation financière difficile que vous venez de décrire, le gouvernement a adopté, cette année, un budget de l’Etat en baisse par apport à l’année dernière. Devant l’Assemblée, vous avez dit que c’était un budget de prudence. Pourquoi budget de prudence ?

 

M. Calixte NGANONGO : C’est un budget de prudence parce que, hier ;  nous ne comptions que sur le pétrole. Il ne faut pas oublier que nous avons eu une embellie pétrolière à partir de 2010, où le baril était vendu à un peu plus de cent dollars. Mais, à partir de 2014, le baril est tombé jusqu’à 29 dollars. A partir de ce moment, tous nos  problèmes ont commencé. Et, lorsqu’on arrive à la tête d’un département, comme celui des Finances, naturellement, il faut essayer d’adapter, d’arrimer les besoins du pays aux ressources. Aujourd’hui, nous comptons sur les recettes fiscalo-douanières parce que les recettes pétrolières se font rares. Nous avons dû revoir, d’abord, le train de vie de l’Etat et de toute la nation, par rapport à ce que pouvait donner les recettes fiscalo-douanières.  Ensuite, il fallait faire attention à ce que certains engagements soient respectés. Il fallait faire en sorte que, sur le plan social par exemple, les engagements pris par le Chef de l’Etat (comme le paiement des salaires, avec un point d’indice passant de 275 à 300) soient, à tout prix, respectés. Pour parler de prudence, nous avons également essayé de faire en sorte que soient gelés quelques projets d’investissement. Avec la baisse de la croissance, nous avons choisi les projets d’investissement  qui avaient un effet sur les autres, pour maintenir l’activité. Mais aussi les projets ayant un fort impact social. C’est ainsi que vous avez observé, en septembre 2016, que nous avons procédé au resserrement budgétaire. Et, ayant considéré que l’année 2017 n’avait pas de base programmatique, nous avons fait  en sorte qu’elle soit une année de transition. Et, nous sommes tenus de  respecter les mêmes impératifs tant que la situation sur le terrain ne s’améliore pas.

 

 J.C.K / M.N.N : Conséquence de cette morosité financière : quand on procède à une revue des chantiers liés à la Municipalisation accélérée, on constate que plusieurs chantiers sont à l’arrêt, à travers tout le pays. Que peut faire le gouvernement pour réveiller la machine ?

M. Calixte NGANONGO : La situation, comme je venais de la peindre n’est pas propre au Congo. Même les grands pays à travers le monde ont été aussi  frappés de plein fouet. S’agissant du Congo, notre situation est passée de la période de vache grasse, où le baril était vendu à près de 92 dollars par an, en 2012 et 2013, à la période de vache maigre. C’est-à-dire, au moment où l’on rectifie le budget, on est passé pratiquement à 37 dollars. Forcément, avec cette baisse du prix du baril de pétrole, on est en difficulté pour faire avancer les travaux. Voilà pourquoi, par-ci par- là, on a observé que les dépenses d’équipement ont connu un échec important. Mais, aujourd’hui, je peux vous rassurer que le gouvernement est en train de tout faire pour prendre certaines décisions à la faveur de la remontée timide du prix du baril de pétrole. Et, pour cela, il faut noter quelque chose : nous avons procédé à l’émission du premier emprunt obligataire pour essayer de payer un bon nombre de chantiers. Vous avez pu observer que les chantiers reprennent timidement.

J.C.K / M.N.N : D’après une certaine opinion, la dette publique du Congo aurait dépassé 70%. Le Congo serait-il en cessation de paiement ?

M. Calixte NGANONGO : Avec l’opinion, on peut aller très loin. On peut lui faire dire aussi plein de choses. En ce qui  nous concerne, cette question de la dette a un lien avec les institutions financières internationales (Fonds monétaire international-FMI et Banque mondiale). Cette situation est très prise au sérieux. Nous en sommes aux phases d’évaluation de cette dette. Il faut quand même dire que cette dette congolaise est subdivisée en trois : il y a la dette extérieure ;   la dette intérieure  (celle dont on vient de parler avec les éléphants blancs) et les autres dettes. Mais, je résume qu’aujourd’hui cette dette extérieure est maîtrisée. En ce qui concerne la dette intérieure, nous avons voulu, d’abord la recenser, en passant par le contrôle de l’effectivité des prestations de services. Parce qu’on ne pouvait plus accepter de payer sans fixer quoi que ce soit. Aujourd’hui, nos estimations font que, par rapport à la norme CEMAC, qui est de près de 70% de PIB, nous ne sommes pas en dessous. 

J.C.K / M.N.N : Monsieur le Ministre, au lendemain de votre prise de fonctions en 2016, vous avez sillonné les régies financières (Trésor, Douanes, Impôts, Caisse congolaise d’amortissement). Quelles leçons y avez-vous tirées ?

 

M. Calixte NGANONGO : Naturellement, quand on prend les fonctions, la moindre des choses est de faire ce qu’on appelle le tour du propriétaire, avec, je dois l’avouer, des fortunes diverses. Dans certaines entités, il se pose quelques problèmes d’organisation, quelques problèmes d’effectifs, pas bien agencés, je dirais pléthoriques. Mais, ce sont des questions à voir avec mon collègue de la Fonction publique qui fait un travail formidable. Pour d’autres entités, il se pose des problèmes d’espace. Pour ces entités, même le Parlement a intercédé en leur faveur, parce que les conditions de travail ne sont pas idéales.

Dans l’ensemble, j’ai pu observer une très faible informatisation des données, ce qui est regrettable. Parce que, aujourd’hui, en plein 21esiècle, il est impensable qu’on  n’ait pas pu moderniser le traitement des données dans ces trois entités. Mais, en gros, ce que je peux dire, c’est que le travail avait été déjà fait. Nous ne demandons qu’à l’améliorer, d’autant que le président de la République attache du prix aux apports budgétaires des régies financières. Voilà pourquoi il nous enjoint d’être un peu perspicaces.

J.C.K / M.N.N : Vous  avez parlé tout à l’heure de l’informatisation dans les régies financières, afin qu’elles dialoguent entre elles. Est-ce un passage obligé pour maximiser les recettes fiscales et réduire la fraude ? Quelle sera la durée de ce projet ?

M. Calixte NGANONGO : J’ai pu faire quelques tournées, quelques missions auprès de mes homologues membres du Gouvernement à l’étranger. Le problème qui se pose à tous les niveaux, c’est l’informatisation. Je pense que si les trois régies financières ne se partagent pas les données, ne dialoguent pas entre elles, ne s’interconnectent pas, si le système n’est pas titré, c’est au grand dam des services des Douanes, des Impôts et du Trésor. Il est donc évident que ce volet informatisation soit très important.

J.C.K / M.N.N : Monsieur le Ministre, le versement de la Redevance informatique(RDI) au Trésor public agite les milieux de la Douane et des Impôts. Selon nos sources, elle constituait une prime mensuelle de certains agents de ces administrations fiscales. Dites-nous, à quoi sert cette Redevance ?

M. Calixte NGANONGO : C’est plus simple que cela ! C’est juste pour mettre en œuvre  l’architecture informatique. Même au niveau du Parlement, nous avons été interpellés sur la nécessité d’informatiser toutes les régies financières. Ce n’est donc pas seulement nous qui le voulons ; le Parlement aussi. Aujourd’hui, les usagers ne sont pas correctement servis parce qu’il n’y a pas d’informatisation. Au-delà de ce que vous soulevez, nous ne  nous en tenons qu’à notre Programme. Celui de procéder à une intégration des régies financières, à un traitement d’informations pour un meilleur partage de données. L’avantage de l’informatique, c’est de laisser les traces. Et s’il n’y a pas de traces, vous pouvez imaginer ce qui peut arriver. J’ai donc entrepris de mutualiser les outils informatiques à cette fin d’intégration. J’ai créé une Direction des systèmes d’informations (DSI) dans le but de mutualiser les forces, les compétences, les outils. Naturellement, le financement ne pouvait venir que de la Redevance informatique. Je suis désolé quand vous dites qu’il y a grincement des dents.  Mais, j’ai un Programme, je sais les contraintes qui m’ont été imparties par le Président de la République ; par le Premier ministre, chef du gouvernement ; de faire en sorte qu’on accélère, qu’on améliore les recettes fiscales et douanières.

 

J.C.K / M.N.N : Mais les syndicalistes douaniers disent qu’on leur a supprimé l’Internet alors qu’ils en ont besoin pour travailler. Ils ont même barricadé les portes de certains directeurs centraux!

M. Calixte NGANONGO : Je crois que vous n’allez pas m’emmener dans cette polémique. Les mêmes syndicalistes, je les ai reçus tour à tour.. J’ai eu un dialogue assez franc, sincère, avec eux. Dans le même registre, j’ai pris langue avec les syndicalistes des autres régies financières. Le défi à relever en priorité est celui d’informatiser toutes ces régies. 

J.C.K / M.N.N : Après les centrales syndicales vous avez eu des entretiens avec leurs différentes sections du Trésor, des Douanes, et des Impôts. Sur quoi ont porté exactement ces entretiens ?

M. Calixte NGANONGO : Est-ce trop de vous dire qu’en réalité, c’est un plan de communication que nous avons conçu au départ ? Il faut l’admettre comme tel ! Nous avons commencé par les deux Commissions Economie et Finances de l’Assemblée et du Sénat. Ensuite, nous sommes passés aux centrales syndicales les plus représentatives. Enfin, nous avons reçu tour à tour les syndicats.

A chaque étape, nous avons essayé d’expliquer ce que vous avez évoqué dans votre première question, à savoir : la situation économique, financière et monétaire de notre pays. Ceci, pour donner un peu plus de crédit à ce que nous disons, lorsque nous prenons ces initiatives. Parce que nous sommes partis du principe que si les gens n’ont pas compris l’importance de la requête, nécessairement, on peut arriver à ce qu’ils n’adhèrent pas. Nous avons donc commencé par là. A notre avis, cela a eu du succès.

En effet, au Parlement, les gens ont compris que la situation ne s’accommodait plus de petits mouvements sociaux. Au niveau des centrales syndicales dont on a pensé, dès le début, que les syndicats de base de la Douane, des Impôts et du Trésor se prévalaient de leur appartenir, nous avons passé aussi le même message. Parce que, si des explications sont biens données à leurs bases, cela peut contribuer à déceler certaines velléités. Nous leur avons expliqué que la situation du pays était très difficile et que, dans certains cas, il fallait des réformes. 

Naturellement, nous étions conscients de ce que toute réforme appelle son petit lot de grincements des dents. Car, tout le monde ne peut pas être satisfait. Il y en a qui étaient habitués à certaines choses. Ils ne les ont plus. On peut, sans justifier, comprendre ce que vous peignez. Par contre, en ma qualité de membre du gouvernement, j’ai dit ce qu’il en était des réformes.

J.C.K / M.N.N : Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir été compris ? Ne va-t-on plus assister aux scènes de barricades des bureaux ?

M. Calixte NGANONGO : C’est une question tout aussi pertinente que pernicieuse. Vous ne pouvez pas avoir, après une rencontre, peut-être même deux ou trois, la prétention d’avoir résolu tous les problèmes. C’est impossible. Il se trouvera toujours quelques insatisfaits. C’est clair.

Mais, en bon père de famille, je vous assure que j’ai usé de beaucoup d’écoute. Et, nous avons discuté, point par point, toutes leurs revendications. J’ai trouvé en face de moi des gens dignes, sérieux,…J’estime que nos syndicats, de ce point de vue, ont considérablement évolué, dans le sens de la prise en compte des problèmes du pays. A mon avis, il peut y avoir des résidus, mais dans l’ensemble, je suis sorti satisfait des entretiens que j’ai eus avec des interlocuteurs vraiment sérieux.

J.C.K / M.N.N : Venons-en, Monsieur le Ministre, à l’emprunt obligataire que vous avez lancé en décembre 2016. Comment le définissez-vous ?

M. Calixte NGANONGO : Il s’agit d’un financement des investissements. Il permet à un Etat d’émettre sur le marché financier des obligations. Il y a des souscripteurs. Et, c’est à partir des souscriptions que l’Etat récolte l’argent dont il a besoin.

Ce premier emprunt obligataire du Congo a été un grand succès. D’autres pays en ont recouru : le Gabon (par trois fois) ; le Cameroun (à deux ou trois reprises) ; le Tchad aussi…

C’est un mode assez courant. Je dois avouer que nous n’avions pas de dates de l’utiliser. La preuve est que nous sommes le dernier à l’émettre. Toutefois, nous sommes contents d’y être entrés de plain-pied. Pour un coup d’essai, cela a été un coup de maître !

J.C.K / M.N.N : Comment ceux qui souscrivent récupèrent-ils leur argent après ?

M. Calixte NGANONGO : Ils le récupèrent aux échéances. Ils peuvent aussi le convertir en titres sur le marché. C’est-à-dire, le revendre à qui ils veulent. Pourvu qu’on en arrive au service de cette dette par le pays qui émet l’obligation. Ainsi, à échéance, comme toute dette, le Congo paiera sa dette auprès  des souscripteurs.

J.C.K / M.N.N : A l’issue de cette opération, vous avez récolté 192 milliards sur les 150 milliards de F CFA  sollicités. Qu’ avez-vous fait de cet argent ?

Nous l’avons d’abord utilisé pour ce qui avait été prévu. Notamment : éponger les dettes sur les éléphants blancs. Malheureusement, tout n’a pas été utilisé pour ces éléphants . Remarquez qu’il y  en a qui subsistent !

Nous avons effectué un tri sur ce qui peut générer des fonds, pour nous permettre de payer les autres.

Ensuite, nous avons épongé la dette de l’Etat vis-à-vis de toutes les banques congolaises qui avaient perdu leur ratio prudentiel. Cette dette était estimée à 102 milliards de F CFA. Ce qui n’était pas peu de choses. Si vous faites bien les calculs, le reste a servi à payer la dette sur les éléphants blancs qui restaient et les autres charges.

J.C.K / M.N.N : Le Premier ministre, Clément Mouamba, a déclaré récemment au cours d’une conférence de presse que les entreprises publiques dont vous avez la charge, notamment la Société nationale d’électricité (SNE), la Société nationale de distribution d’eau (SNDE) et la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) devaient, d’ici la célébration de la fête nationale du 15 août 2017, changer de mode de gestion. Pourquoi ? Est-ce que le gouvernement envisagerait-il d’ouvrir la gestion de ces entreprises aux capitaux privés ?

M. Calixte NGANONGO : Je voudrais vous dire sur ce point que je n’ai fait que relayer l’écho, même si le Premier ministre a parlé après, du Parlement au sujet de ces entreprises du patrimoine dont la situation n’est pas reluisante. 

Aujourd’hui, nous avons analysé cette situation, entreprise par entreprise. Il s’entremêle quelques causes que l’on pourrait égrener. Mais, la liste est longue. Ce qui fait dire au Premier ministre qu’il est temps qu’on réfléchisse à de nouveaux modes d’organisation et de gestion dans les entreprises où ces problèmes ont été décelés. Car, l’Etat attend beaucoup d’elles. J’ai assisté à cette conférence de presse. Voilà, en gros, ce que le Premier ministre a voulu dire. Mais, il ne faudrait pas penser que, tout de suite, on va trouver les remèdes à ces problèmes. C’est plutôt une invite du Premier ministre aux membres du gouvernement que nous sommes, pour trouver des solutions.

J.C.K / M.N.N : Appelons chat par chat ! Allez-vous privatiser la SNE et la SNDE ? L’expérience avait été tentée dans les années 1990, sans succès…

M. Calixte NGANONGO : Je suis mal placé pour dire ce qu’il y a à faire ou à ne pas faire. Cette décision relève du gouvernement, après analyse de chaque situation. Ce que je puis dire, c’est que, pour la SNE et la SNDE, il y a beaucoup de problèmes. Il n’y a qu’à voir autour de nous pour savoir si leurs modes de gestion s’apparentent au nôtre, si les changements qu’elles ont introduits ont apporté les résultats attendus, les avantages escomptés. Et puis, il ne s’agit pas de changer pour changer. 

J.C.K / M.N.N : Prenons le cas d’une autre compagnie publique : Equatorial Congo Airlines  (Ecair). Ses avions sont cloués au sol depuis une année. Quel sort lui réservez-vous ? Y a-t-il un espoir pour sa reprise ?

M. Calixte NGANONGO : Aujourd’hui, quatre ministres, et non des moindres, ont été désignés pour résoudre ce problème. Je suis membre de l’équipe des quatre. Nous n’avons pas encore conclu notre tâche. Et, j’ai l’obligation de réserve dans ces conditions. C’est qui est sûr, c’est que Ecair va redécoller. Elle n’est pas abandonnée.

J.C.K / M.N.N : Il n’y a plus qu’un seul avion d’Ecair à l’aéroport de Maya-Maya ! Où sont passés les autres ?

M. Calixte NGANONGO : Je ne peux pas répondre à la place de la Directrice générale d’Ecair. Cela va de soi. En ce qui me concerne, je vous renvoie à ce que j’ai dit : je fais partie des 4 ministres, parmi lesquels un ministre d’Etat ! Nous sommes en train d’explorer toutes les pistes pour que ces avions reviennent au pays et que  Ecair ne redémarre pas avec un seul avion. 

J.C.K / MNN : Monsieur le Ministre, venons-en au Franc CFA ! Son avenir est au centre des débats. Cette monnaie profite-t-elle au développement des pays africains ? Quel avantage y a –t-il à rester dans la zone Franc ?

M. Calixte NGANONGO :   Pourquoi sortir du Franc CFA ? Cette question a été débattue au cours des grandes retrouvailles des ministres des Finances qui ont eu lieu récemment à Dakar (Sénégal). Elle a fait aussi l’objet d’un grand séminaire à Brazzaville, le 6 avril 2017,  organisé par le cabinet Eminence conseil. J’ai retenu trois interventions à ce séminaire. 

D’abord, celle de l’ancien Premier ministre malien, Moussa Mara, qui estime que la monnaie est un attribut de souveraineté d’un pays. Il a indiqué qu’après 77 ans de servitude monétaire, l’âge de la retraite du Franc CFA a véritablement sonné. Pour lui, les pays de la zone Franc constituent des comptoirs, parce qu’ils sont réduits à l’exportation de leurs matières premières, sans créer la plus-value. Aucun pays, a-t-il ajouté, ne peut prétendre aller seul à l’émergence. Il faut donc élaborer des stratégies communes, c’est-à-dire régionales.  

Pour le Premier ministre Moussa Mara, il est clair, à force d’arguments, bien sûr des arguments assez relevés car il s’agit d’arguments d’un ancien Premier ministre, il est question, quoi qu’il en coûte, que l’on essaie d’aller un peu par nous-mêmes. Cela veut dire qu’il faille prendre des distances avec le Franc CFA, essayer de travailler par nous-mêmes. J’ai retenu cette intervention parce qu’il ne faut pas oublier que les pères fondateurs de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) avaient fixé la monnaie commune africaine comme le dernier de leurs combats vers la souveraineté des Etats africains. Je pense que l’intervention du Premier ministre Moussa Mara épouse les contours de ce combat.

J.C.K / M.N.N : Monsieur le ministre, sans langue de bois, faut-il sortir ou non du Franc CFA ? Le président ivoirien, Alassane Ouattara, y est totalement opposé…

M. Calixte NGANONGO : Au moment où je vous parle, je n’ai pas le point de vue du gouvernement congolais. J’essaie de soumettre simplement à votre appréciation l’argument du Premier ministre Moussa Mara. Il y a eu, ensuite, le point de vue de l’ancien ministre sénégalais, Djibril Ngom, qui a adhéré aux idées développées par le Premier ministre Moussa Mara. Mais, il s’est interrogé : «  Sommes-nous prêts à battre une monnaie nationale ou africaine ? », « Est-ce que nos économies sont prêtes à supporter une monnaie nationale, au regard de la fonction ou de l’importance qu’on veut lui donner ? » Et voyez la transition avec Monsieur Matata Ponyo, parce que son pays a une monnaie nationale. Le Premier ministre Matata Ponyo nous a rappelé que c’était une œuvre de longue haleine ; c’était très difficile ; c’était truffé de beaucoup de contraintes. Il mettait les gens devant leurs responsabilités. Mais aussi, avant que mon gouvernement ne décide s’il faut quitter ou rester dans la zone  Franc CFA, je vous mets devant vos responsabilités, dans vos approches respectives, par rapport à ce qui a été dit par les trois intervenants. 

J.C.K / M.N.N : En attendant, disons comme le patriarche Charles David Ganao : « On se sent mieux dans ses vieilles chaussures »…

M. Calixte NGANONGO : Le gouvernement est seul habilité à dire s’il se sent bien ou mal dans ses vieilles chaussures ; s’il doit ou non porter de nouvelles…Je rends hommage, en passant, à la mémoire du Vieux Charles David Ganao !

J.C.K /M.N.N : Monsieur le Ministre, une délégation du FMI (Fonds monétaire international) a séjourné à Brazzaville en janvier et mars 2017. Une délégation congolaise, dont vous faisiez partie, était au siège du FMI, à Washington, courant avril de cette année. A quoi ont abouti toutes ces discussions ? Qu’est ce qui se prépare entre le FMI et le Congo ? Un programme d’ajustement structurel (PAS) peut-être ?...

M. Calixte NGANONGO : Nous ne redoutons rien du tout ! Nous appartenons à une communauté économique et monétaire. Au sein de la CEMAC aujourd’hui, des réformes économiques, financières et monétaires sont en cours. Nous adhérons totalement à cette démarche. Il convient de rappeler que c’est notre Président de la République qui en est le champion dédié ; que le Comité de pilotage (Copil) de ces réformes est présidé par le ministre d’Etat Gilbert Ondongo, tandis que je suis, cette année, en tant ministre des Finances, président du Comité ministériel de la CEMAC. Le président Pierre Moussa est à la tête de la Commission de cette communauté…On ne peut donc pas  imaginer, qu’à un tel niveau, le Congo soit frileux à l’idée de collaborer avec les institutions financières internationales.

Il se passe des réformes au sein du PREF-CEMAC (Programme des réformes économiques et financières de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), auquel le FMI prête une attention soutenue. Les Chefs d’Etat eux-mêmes avaient décidé, unanimement, le 23 décembre 2016 à Yaoundé (Cameroun), que leurs Etats devaient aller au FMI. Donc, ce que vous venez de dire participe de cet ensemble de discussions qu’on devait avoir avec le FMI, pour s’accorder sur certains agrégats, le tout pour avoir un programme bien calibré.

Nous avons commencé les discussions à Brazzaville. J’ai conduit la délégation congolaise à Washington. Nous y avons continué ces discussions. Il est prévu qu’une autre délégation du FMI arrive à Brazzaville sous peu, pour que nous puissions discuter, d’abord, avant de conclure un programme. Ce programme sera à la hauteur du niveau des conclusions des discussions.

Il faut l’avouer : dans cette quête d’ancrage de programme, nous sommes en retard par rapport aux autres. 

Je rappelle que nous sommes membres d’une communauté. « Les autres sont déjà assez loin », par rapport à nous. Voilà ce qu’affirme le FMI. Aujourd’hui, nous voulons rattraper ce retard, à tout prix !

Nous osons espérer qu’avec l’arrivée de la délégation du FMI, nous allons conclure ces discussions, pour commencer les négociations.

J.C.K / M.N.N : A terme, un programme avec le FMI n’est pas à exclure…

M. Calixte NGANONGO : Il ne faudrait pas présenter la situation comme cela ! Un programme suppose plusieurs étapes. Le Congo est déjà passé par le PPTE (Programme pays pauvres très endettés). Il sait ce que c’est. Aujourd’hui, toutes ces étapes montrent que nous n’avons rien à redouter de nos négociations avec le FMI et la Banque mondiale. Rien que la qualité de nos échanges, le caractère assez rasséréné de ces échanges, montrent bien qu’aujourd’hui nous n’avons rien à redouter de ces deux institutions financières internationales. Ce qu’elles disent et font jusqu’à maintenant, c’est de développer la capacité d’écoute des désidératas des pays concernés. Naturellement, ces institutions financières internationales ont aussi des arguments pour infléchir ces désidératas. C’est cela l’objet même des discutions et des négociations.

J.C.K / M.N.N : Monsieur le Ministre, nous allons vers la fin de notre entretien…Mais, nous ne saurions nous séparer sans vous poser cette question : Le 31 décembre 2016, dans son message de vœux de nouvel an à la Nation, le Président de la République avait annoncé que l’année 2017 serait une année difficile. Nous y sommes ! Beaucoup d’entreprises mettent la clé sous le paillasson, les licenciements deviennent monnaie courante, la pension des retraités devient irrégulière. N’y  a-t-il pas une lueur d’espoir à court, moyen ou long terme ?

M. Calixte NGANONGO : Sur ce point précis du discours du président de la République, il y a quelque chose chez vous, les journalistes, de véritablement redoutable. C’est que, dans un contexte donné, vous prenez juste un morceau, vous l’analysez et vous le mettez au goût du jour. Et ça, nous autres, nous ne l’aimons pas !

Je vais vous dire pourquoi. En fait, lorsque le président de la République le dit, il y a forcément ce qui va suivre. Il a parlé du passé, avec les différents programmes (La Nouvelle Espérance, Le Chemin d’Avenir) et du présent ( avec la Marche vers le développement). Cette marche n’est pas un couperet. Elle va continuer. S’il veut dire que 2017 sera une année difficile, nous venons de vous dire qu’en présentant notre budget au Parlement, qui l’a adopté comme Loi, nous avons déclaré que 2017 était une année transitoire. Parce que l’éclaircie, l’embellie qu’on attendait n’est pas arrivée de sitôt !

Vous le constatez comme nous. C’est pour cela que le chef de l’Etat l’a dit, sur fond de rigueur et de vérité. Souvenez-vous, le 15 mai 2017, le président de la République, Denis Sassou-NGuesso a inauguré l’exploitation du gisement Moho-Nord. Sur le marché, il y a, non pas une embellie, mais timidement, des oscillations des prix du baril, qui ne sont plus de l’ordre de 39, 38, 29 dollars qu’on a connues. Si vous conjuguez les deux éléments, à savoir : les prix revus timidement à la hausse et l’augmentation de la production pétrolière, l’on peut se hasarder à dire que, selon les prévisions  même s’il peut y avoir couac quelque part, 2018 promet quelque chose de bien. Notez, dans ce registre, que la production pourra doubler avec l’exploitation des gisements de Néné, Lianzi, etc. A partir de 2022, l’on  ne devra plus céder au pessimisme ambiant. Je pense que c’est ce que voulait dire la Président de la République. Or, vous, les journalistes, n’avez choisi dans son discours que ce petit bout de phrase.

J.C.K / M.N.N : Parce que, souvent, nous prêchons le faux pour obtenir le vrai. (Merci (rires)

Monsieur le Ministre, c’est sur cette note d’espoir que nous arrivons à la fin de notre entretien. A vous de conclure

M. Calixte NGANONGO : Je vous avoue qu’aujourd’hui je suis très content d’avoir pu me soumettre à vos observations, à vos questions, parce que la presse est un vrai véhicule pour faire passer des messages au grand public. Il nous est fait souvent le reproche de ne pas communiquer assez, pour dire la vérité, donnant ainsi l’occasion aux réseaux sociaux d’informer le peuple à leur manière. Vous allez donc me permettre de dire, aujourd’hui, que j’ai dit ma part de vérité sur les quelques sujets que vous avez soulevés. Et si c’était à refaire, je le referais volontiers ! Je vous remercie.

 

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