Alphonse Ndongo (Journaliste) : Pourriez-vous détailler les raisons qui expliquent le succès notoire rencontré par la première phase du Programme National d'Optimisation de la Trésorerie (PNOT) auprès des spécialistes en valeurs du Trésor du Congo ? Plus particulièrement quel impact a exercé le reprofilage d'une part substantielle de la dette, ainsi que la possibilité de lever immédiatement 250 Milliards de dollars.
Jean-Baptiste ONDAYE (J-B.O): Le succès du PNOT résulte d'une approche volontaire, transparente et méthodique qui allie rigueur financière, innovation stratégique et une concertation étroite avec les acteurs de marché. Ce programme a permis au Congo de répondre efficacement aux défis de gestion de la trésorerie tout en créant une dynamique de confiance durable avec les investisseurs.
L'appui de la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC), notamment par l'attribution d'une pondération de risque à 0% pour les nouvelles émissions, a renforcé l'impact decette opération. Ce soutien, conjugué à la participation de la BEAC dans l'échange, a aligné l'initiative sur les objectifs de stabilité financière régionale. Le PNOT marque parailleurs un jalon historique, il s'agit de la première opération de gestion de passifs depuis l'entrée du pays sur le marché des valeurs du Trésor de la CEMAC en 2017.
Ce succès se traduit également par les résultats obtenus et les bénéfices attendus pour la République du Congo, à savoir :
(Journaliste) - Certaines entités dont les échéances de remboursement approchent semblent se détourner progressivement de ce programme. Quels risques majeurs cela pourrait-il engendrer pour leur bilan financier et, par extension, pour la crédibilité de la signature du Congo sur le plan international ?
J-B.O : Au contraire, les résultats du PNOT démontrent clairement la solidité de la signature du Congo et l'intérêt marqué des investisseurs. Le programme a en effet suscité un appétit notable, avec des manifestations d'intérêt représentant 85% de l'encours de nos titres publics. La participation finale, qui s'élève à 53%, illustre une approche prudente et stratégique visant à ne retenir que les offres les plus pertinentes afin de maximiser les retombées du PNOT.
La République du Congo a privilégié une logique de qualité à celle de quantité, garantissant ainsi la durabilité et l'efficacité des retombées du PNOT.
Les discussions avec les parties prenantes ont été particulièrement fructueuses, favorisant une adhésion massive au programme et démontrant l'attractivité des initiatives économiques et financières du pays.
Tous les acteurs domestiques ont été impliqués, concernés et intéressés par le PNOT. Ils étaient les principaux ciblés.
(Journaliste) - Au-delà des préoccupations immédiates, le PNOT ne risque-t-il pas de véhiculer une image d'insolvabilité, c'est-à-dire l'incapacité du Congo à honorer ses engagements financiers ? Cette perception est d'autant plus renforcée par les défauts de paiement temporaires que le pays a connus récemment. Quelles mesures envisagez-vous pour redorer l'image financière du pays ?
J-B.O: Le PNOT n'est pas une réponse à une quelconque insolvabilité, mais une démarche proactive visant à consolider la résilience financière du Congo.
C'est une approche structurante et volontaire. En effet, ce programme permet de reprofiler proactivement notre dette afin d'allonger ses échéances, garantissant une meilleure prévisibilité budgétaire.
Ce programme est en ligne avec notre engagement fort pris auprès de nos partenaires. Car, depuis 2022, le Congo s'est engagé dans une série de réformes ambitieuses, dans le cadre de la Facilité Élargie de Crédit (FEC) du FMI, qui est proche de sa complétion, un jalon historique pour Je Congo et nous espérons à ce titre que la 6ème revue du programme qui est en cours, soit conclue dans les meilleurs délais.
Ce programme intègre parfaitement l'esprit des réformes en cours pour moderniser notre gestion financière. Des réformes importantes mises en œuvre au sein du ministère de l’Économie et des Finances et à la Caisse Congolaise d'Amortissement (CCA), incluant une réorganisation des structures, l'adoption d'un nouveau manuel de procédure, et le renforcement des capacités des équipes. Ces actions concrètes et proactives illustrent notre détermination à bâtir une réputation financière solide.
(Journaliste) - Selon des informations en notre possession, le Congo fait également face à un défaut de paiement à l'égard de Glencore et d'UBA. Existe-t-il un contentieux susceptible d'évoquer des pratiques corruptibles entre Glencore et le gouvernement congolais ? pourriez-vous nous éclairer sur ce sujet délicat ?
J-B.O : Le Congo a toujours mis un point d'honneur à agir avec transparence et responsabilité dans sa gestion des finances publiques. Tout retard de paiement lorsqu'il survient, est traité avec une communication claire et ouverte.
Si des pratiques répréhensibles ou suspectes avaient été identifiées par mes services, elles auraient fait l'objet d'un signalement, d'une enquête approfondie et d'un traitement approprié par les autorités compétentes. Cela témoigne de notre volonté de maintenir une gouvernance solide, renforçant ainsi la confiance des investisseurs et des partenaires.
(Journaliste) - l'agence de notation S&P a rapidement dégradé la note du Congo de quatre crans suite à cette opération. En quoi cette décision pourrait-elle complexifier la mise en œuvre de la deuxième phase du PNOT ? Quelles stratégies envisagez-vous pour atténuer ces effets négatifs sur la réputation financière du pays ?
J-B. O : Nous avons eu des échanges productifs et transparents avec les agences de notation tout au long du processus de mise en œuvre du PNOT. Ces dernières ont des méthodologies qui leur sont propres, et parfois contraignantes. Ceci ne concerne pas uniquement le Congo.
Toutefois, nous nous félicitons du fait que toutes les agences ont relevé l'impact positif du PNOT pour la situation de liquidité du Congo, et les perspectives mélioratives pour notre notation à court, moyen et long terme.
Les agences ont confirmé la crédibilité de notre signature, à la fois en devise étrangère et en monnaie locale. Les dégradations observées n'ont été que temporaires, de l'ordre de 24 heures pour refléter le temps nécessaire à l'analyse de la transaction.
N.B : En effet : • S&P et Fitch ont procédé à un relèvement immédiat de la note locale du Congo à la clôture du PNOT.
(Journaliste) - En nantissant les échéances de remboursement, fixées à l'horizon 2034, sur un compte séquestre alimenté par les recettes fiscales dans les livres de la Banque centrale, ne risque-t-on pas d'exposer les entreprises locales à un harcèlement fiscal accru ? Cela pourrait rendre particulièrement difficile la réalisation du projet triennal visant à embaucher 90 000 jeunes dans le secteur privé. Quel est votre avis sur cette question cruciale pour l'économie congolaise ?
J-B.O : Ces inquiétudes ne reflètent pas la réalité. Les mesures adoptées dans le cadre du PNOT visent précisément à libérer des marges budgétaires, permettant ainsi de soutenir des projets économiques cruciaux, comme le programme triennal d'embauche de 90 000 jeunes dans le secteur privé.
Nous nous sommes engagés à rapatrier et domicilier à la banque centrale les recettes provenant des exportations de cargos pétroliers, ce qui garantit une meilleure visibilité sur nos flux financiers, renforçant ainsi la prévisibilité de nos engagements budgétaires sans alourdir la pression fiscale sur les entreprises locales.
Il convient ainsi de clarifier que les recettes fiscales de l'État ne sont pas impactées par des mécanismes de nantissement.
(Journaliste) - Comment un ministre de l'Économie et des Finances peut-il garantir l'efficacité des performances en matière de recouvrement fiscal, qui sont censées alimenter ce compte séquestre, alors même que le contrôle des impôts et des douanes échappe à son autorité directe ? Quelles solutions proposez-vous pour renforcer ce contrôle et assurer une collecte optimale des recettes fiscales
J-B.O : L'optimisation de la collecte des recettes fiscales figure parmi nos priorités de réforme, notamment dans le cadre de notre programme avec le FMI, et repose sur des réformes structurelles, des outils modernes et une coordination renforcée entre les différentes administrations concernées.
La réorganisation de la Caisse Congolaise d'Amortissement (CCA) avec l'adoption d'un manuel de procédures actualisé et le recrutement de nouvelles équipes qualifiées, a permis de renforcer notre capacité à gérer efficacement les finances publiques et à maximiser les retombées des réformes.
Les actions entreprises ces dernières années témoignent de la volonté d'instaurer une fiscalité efficace et transparente, aussi bien au niveau des douanes que des impôts.
Le Congo a adopté des réformes fiscales ambitieuses avec l'assistance technique du FMI et d'autres bailleurs de fonds. Ces réformes, introduites dès 2024, visent à moderniser la gestion publique avec des mesures telles que :
Propos recueillis par Alphonse NDONGO
Source : Page Alphonse NDONGO
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