Zoom sur les Entreprises du Portefeuille public avec Madame Lydie Oboa Oworo, Directrice générale

19 jan, 2017

« Nous attendons des entreprises du portefeuille public un dividende d’environ cinq milliards de F CFA en 2017 » !

Le Ministère des Finances du Budget et du Portefeuille public (MFBPP) s’est doté, par décret présidentiel du 30 décembre 2013, d’un nouvel organe technique, la Direction Générale du Portefeuille public (DGPP).

Son animatrice, Lydie Oboa Oworo, de formation économiste et expert-comptable, auditrice comptable et financier en France avant son retour au Congo comme directrice à la Société Nationale des Pétroles du Congo puis Secrétaire permanent du Haut-Conseil du Dialogue Public-Privé, éclaire l’opinion sur les missions de cet organe technique dans l’ interview exclusive ci-après.

Service Presse : Que signifie « Portefeuille public » ?

Lydie Oboa Oworo: Le Portefeuille public est l’ensemble des entreprises et participations dans des sociétés privées appartenant à l’État.

Au cas d’espèce, l’Etat est actionnaire de sociétés commerciales en vue de la mise en œuvre d’une politique publique destinée au bien-être de l’ensemble de la population, de la même façon qu’il construit les écoles, les hôpitaux, les routes…

 

Quel est votre rôle en tant que Directrice Générale du Portefeuille Public (DGPP) ?

L. O.O : Notre rôle est d’assurer le suivi des performances financières des entreprises dans lesquelles l’État investit, de contrôler la correcte mise en œuvre des politiques publiques et de veiller à la bonne application des règles de gestion prescrites par leurs dirigeants.

Enfin, nous apprécions la qualité de la gouvernance des entreprises où l’Etat est actionnaire car une gouvernance de qualité conditionne les performances.

 

Madame, on le sait, la Direction générale du Portefeuille public est l’organe technique qui assiste le Ministre dans l’exercice de ses attributions en matière de tutelle financière des entreprises et établissements publics. Quelles sont les entreprises qui relèvent de votre tutelle ?

L. O.O : Merci pour la question.

Les entreprises qui relèvent de la tutelle financière du ministère en charge du portefeuille public sont toutes les entreprises publiques et celles dans lesquelles l’Etat détient une participation. Lorsque l’Etat détient la majorité des actions de l’entreprise, il s’agit d’entreprises publiques.

Lorsque l’Etat ne détient qu’une minorité d’actions, on parle de participations.

A ce jour, le Portefeuille public comprend environ une cinquantaine d’entreprises dans lesquelles l’Etat possède une participation majoritaire ou minoritaire.

Ce nombre dépend des créations d’entreprises par l’Etat.

Les entreprises publiques les plus connues sont, entre autre, la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), la Société Nationale d’Electricité (SNE), la Société Nationale de Distribution d’Eau (SNDE), le Port Autonome de Pointe-Noire (PAPN), le Port Autonome de Brazzaville et Ports Secondaires (PABS), le Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO), Equatorial Congo Airlines (Ecair), la Banque Postale du Congo (BPC), la Banque Congolaise de l’Habitat (BCH), les Assurances et Réassurances du Congo (ARC), la Société des Transports Publics Urbains (STPU), la Congolaise de Gestion de Loterie (Cogelo).

Par ailleurs, l’Etat détient des participations à la Société Générale Congo (SGC), à la Congolaise de Banques (LCB), au Crédit du Congo, à la Banque Sino Congolaise pour l’Afrique (BSCA), à SARIS, dans la société de gestion des aéroports (AERCO) et des hôtels PEFACO de Maya-Maya et d’Oyo (SOGEVA), dans les sociétés minières ayant obtenu un permis d’exploitation, etc.

La position d’actionnaire confère à l’État le droit d’être représenté aux conseils d’administration et assemblées générales de ces sociétés afin de veiller, en tant qu’administrateur aux intérêts financiers et socio-économiques de l’Etat.

 

Avant de parler de la situation de chacune de ces entreprises, comment se porte le Portefeuille public ?

L. O.O : Cette question occasionne de nombreuses allégations, souvent erronées, qui trouvent leur explication dans la méconnaissance de la philosophie d’un Etat actionnaire et de certaines réalités de notre pays.

Par ailleurs, on ne peut pas parler d’un état de santé global du Portefeuille public puisque chaque entreprise présente une situation particulière du fait des objectifs à elle assignés par le Gouvernement en application de sa doctrine d’investissement.

Pour quelles raisons l’Etat crée-t-il des entreprises ?

Premièrement : l’Etat doit assurer un service public de qualité, non couvert de façon équitable par le secteur privé à l’ensemble de sa population.

C’est le cas de l’eau, de l’électricité, du transport urbain ou de la poste.

A ce jour, aucun investisseur privé national ou international n’est en mesure de réaliser les investissements nécessaires à la production et à la fourniture de ces services en garantissant l’égalité de tous les congolais devant le bien de première nécessité concerné.

S’agissant de services marchands, une meilleure gestion nécessite qu’ils soient délivrés par une entreprise et non directement par l’Etat.

C’est à ce niveau qu’apparait une erreur de perception.

On oublie que dès lors, cette entreprise ne s’assimile qu’à un bras technique de l’Etat qui poursuit une mission d’intérêt général et on pense que son objectif premier est de gagner de l’argent à l’instar d’une entreprise ordinaire.

Lorsque l’Etat réalise des hôpitaux ou des écoles pour sa population, s’attend-on à ce qu’il gagne de l’argent ?

Dans le cas de l’école le gain financier n’est pas la priorité.

L’avantage pour l’Etat s’apprécie à long terme sur le bien-être de sa population et l’amélioration de son niveau de vie.

Ainsi, lorsque l’Etat entreprend dans le secteur de l’eau, c’est également pour préserver la santé de ses concitoyens et leur bien-être.

Comment pourrait-on concevoir, qu’au 21e siècle, l’accès à l’eau sur toute l’étendue du territoire ne soit pas possible faute d’investisseur privé qui y parvienne ?

Vous me demandez comment se porte le Portefeuille public…

Toujours sur le cas de l’eau.

C’est une industrie qui est fortement capitalistique c’est-à-dire qu’elle nécessite des investissements très onéreux qu’aucun investisseur privé n’est venu réaliser à ce jour au Congo malgré la libéralisation du secteur.

Dans ces conditions, que devrait faire l’Etat ?

Laisser sa population sans eau de qualité, exposée à toutes sortes de maladies ?

Non, l’Etat assume.

Et si, par aventure, une entreprise privée, guidée par le profit, réalisait ces investissements, pensez-vous qu’il ne répercuterait pas le coût de ceux-ci sur la facture de l’abonné ?

La facture d’eau s’élèverait-elle encore à 12.700 F CFA ?

Fournirait-il de l’eau dans les zones à faible densité de population ou à faible pouvoir d’achat où vivent nos parents de l’hinterland du Pool, de la Bouenza, de la Cuvette-Ouest ou du Niari ?

Le rôle de l’Etat est de garantir l’égalité de tous les Congolais face au service public. C’est pour cela que l’Etat a construit des hôpitaux, des écoles, et autres ouvrages d’intérêt général dans tout le pays.

Il doit par conséquent y avoir de l’eau partout.

Dans ces conditions, comment voulez-vous que la SNDE génère d’importants profits et reverse des dividendes à l’Etat ?

En réalité, les dividendes qu’elle reverse à l’Etat ne sont pas financiers.

Ils sont socio-économiques.

Lorsque certains estiment que cette entreprise coûte cher au budget de l’Etat, que dire des hôpitaux ou autres services obligatoirement publics dans un pays comme le nôtre où la population n’a pas le pouvoir d’achat suffisant pour accéder par ses propres moyens à des services de base ?

Pour autant, en tant qu’Etat actionnaire, il n’est pas question de gaspiller l’argent public.

Ainsi, à la direction générale du portefeuille public nous veillons à ce que ces entreprises soient bien gérées.

La deuxième motivation de l’Etat investisseur concerne les entreprises des secteurs stratégiques pour la souveraineté de l’Etat tels l’exploitation du pétrole, les infrastructures de transports, ports, aéroports, etc…

La souveraineté, c’est notre indépendance économique.

Nous ne pouvons céder ces activités à des tiers.

La troisième motivation d’investissement de l’Etat concerne la mise en œuvre d’une politique publique : la diversification de l’économie, la promotion du secteur privé, l’accès au crédit pour les PME, la bancarisation de l’économie, l’accès à l’habitat, etc.

C’est ainsi, par exemple, que l’Etat a créé la Banque Congolaise de l’Habitat (BCH).

Cette dernière est l’instrument de l’Etat devant permettre à chaque Congolais d’obtenir un financement adapté à son niveau de vie afin d’accéder à la propriété.

Autre exemple.

Lorsque l’Etat envisage de créer une banque de l’entreprise, c’est pour permettre à tout congolais désireux de devenir entrepreneur mais de disposant pas des moyens financiers nécessaires au démarrage de son activité de bénéficier d’une garantie bancaire et d’un crédit.

De même, lorsque l’Etat construit 15 usines de fabrication de matériaux de construction dans la Zone industrielle de Maloukou, c’est pour susciter parmi les Congolais les chefs d’entreprises qui pourraient progressivement les racheter à l’Etat et devenir ainsi des patrons d’industrie nationaux.

Enfin, le dernier axe de l’investissement financier de l’Etat se rapporte aux participations dans des entreprises dont l’Etat a hérité ou aux contreparties de biens ou services comme dans l’industrie minière où le Code  minier prévoit que lorsqu’une société minière obtient un permis d’exploitation, elle octroie 10% du capital de sa société à l’Etat.

Pour me résumer sur votre question, relative à la santé du Portefeuille public, je dirais qu’en termes purement financiers, il pourrait générer davantage de dividendes qu’il n’en génère déjà.

Ceci étant, nous attendons environ cinq milliards de F CFA de recettes du portefeuille en 2017. De plus, les entreprises du portefeuille public comptent environ 13.000 salariés, contribuant ainsi fortement à l’emploi national.

Pour autant, le Gouvernement travaille activement à l’amélioration de la gouvernance des secteurs et entreprises de façon à augmenter leurs performances financières et socio-économiques.

On ne peut donc pas dire que le résultat global soit mauvais !  

 

Est-ce que les Zones économiques spéciales (ZES) font partie du Portefeuille public?

L. O.O : Les ZES, en tant qu’infrastructures logistiques appartenant à l’Etat donneront lieu à la création d’Etablissements Publics à Caractère Industriel et Commercial (EPIC) placés sous la tutelle financière du portefeuille public.

 

Quelle est la nature de votre collaboration ?

L. O.O : A ce jour, il n’y a pas de collaboration à proprement parler bien que certaines entreprises du portefeuille public, telles que les usines de fabrication des matériaux de construction de Maloukou soient situées à l’intérieur de la Zone Economique Spéciale de Brazzaville.

 

Examinons à présent, si possible, la situation de chacune des entreprises  du Portefeuille public, en commençant par celle qui fait grand bruit, à savoir : Ecair ! 

L. O.O : Ecair a été créée en 2010. A cette époque, l’Etat voulait mettre en valeur le pays ainsi que ses infrastructures aéroportuaires et hôtelières.

Cependant, le Congo était placé sur la liste noire des compagnies aériennes internationales et aucun avion sous pavillon congolais ne pouvait se rendre en France.

La compagnie a ainsi été contrainte de sous-traiter de nombreux services à des partenaires techniques dont les prestations, très onéreuses, affectaient fortement son exploitation et ses équilibres financiers.

L’Etat a fait face aux besoins de l’exploitation et d’investissement d’Ecair. Puis, les ressources financières de l’Etat se sont amenuisées du fait de la baisse des cours du baril de pétrole.

L’Etat n’a plus été en mesure de secourir Ecair.

La situation financière de la compagnie s’est dégradée, la conduisant à un arrêt momentané de ses opérations.

Pour autant, il n’est pas question aujourd’hui de remettre en cause la volonté du Président de la République de disposer de cet instrument de souveraineté nationale en matière de transport aérien.

Actuellement, nous travaillons à redimensionner notre compagnie en tenant compte des ressources dont nous disposons à ce jour pour qu’elle reprenne ses vols très prochainement.

 

 Quelles sont les portes de sortie que l’Etat envisage pour sauver les entreprises malades ? La privatisation est-elle envisageable ?

L. O.O : Nous sommes un pays jeune, fragilisé par les marques d’une économie fortement dirigée et nous  découvrons progressivement les principes de gestion modernes des entreprises que nous essayons d’adapter à nos spécificités.

Au stade actuel de notre développement, l’Etat doit être volontariste sans pour autant remettre en cause notre volonté de promouvoir l’économie de marché et l’initiative privée.

En effet, une économie trop dirigée favoriserait l’assistanat, alourdirait la dette de l’Etat ainsi que son corollaire la pression fiscale et entraverait le développement du secteur privé tant attendu.

Aussi, nous tournons nous désormais vers les associations avec des partenaires financiers et techniques susceptibles de pérenniser les initiatives de l’Etat.

L’ouverture du capital des entreprises où l’Etat est seul principal actionnaire ou la mise en exploitation d’ouvrages publics par un partenaire de référence sont, non seulement des moyens de nature à nous permettre d’améliorer la gouvernance de nos entreprises, mais également et surtout, de faire face à leurs besoins financiers car l’Etat n’est plus en mesure de les assumer seul.

 

Voudriez-vous nous évoquer  votre passage au Secrétariat permanent du Haut-Conseil du Dialogue Public-Privé ? Y aurait-il une différence avec vos nouvelles fonctions ?

L. O.O : En réalité il n’y a pas de véritable différence de vision pour le pays puisqu’au Haut-Conseil du Dialogue Public-Privé, notre mission consistait en l’identification des réformes nécessaires à l’amélioration de l’environnement des affaires en vue de la promotion du secteur privé, de l’industrialisation du pays et de la diversification économique afin, in fine, de favoriser l’emploi et la croissance durable dans notre pays.

Au portefeuille public, nous poursuivons toujours cette vision pour le futur du Congo mais en nous appuyant cette fois sur les entreprises publiques car, à ce jour, le secteur privé n’est pas en mesure d’y parvenir seul.

 

Quel profit cette expérience au Haut- Conseil du Dialogue Public-Privé vous procure- t-elle  dans vos fonctions actuelles ? 

L. O.O : Elle m’a convaincue de la nécessaire l’implication de l’Etat comme levier à l’industrialisation de notre pays

En effet, grâce à mon passage au Haut-Conseil du Dialogue Public-Privé, j’ai pu me rendre compte que le secteur privé congolais n’était pas suffisamment financé pour relever seul le défi de l’industrialisation de notre pays.

 

Quel est le nombre exact d’entreprises à créer ?

L. O.O : Aucun objectif n’est assigné en ces termes à la Direction générale du Portefeuille public.

 

 Pensez-vous que l’État a pris la relève parce qu’il considère qu’il n’y a pas d’opérateurs économiques au Congo ?

L. O.O : Non !

Il ne faut pas exagérer.

Dans le secteur marchand, l’Etat se substitue temporairement au secteur privé pour faire du portage au profit des privés car il dispose d’une surface financière plus large.

Pour autant, notre pays a besoin des entreprises privées.

Notre industrialisation ne peut se faire qu’avec l’implication du secteur privé. L’Etat doit simplement l’accompagner car l’emploi se trouve dans les entreprises et non dans la Fonction publique.

 

 Depuis la création de cette Direction, qu’est-ce qui a déjà été réalisé ?

L. O.O : Nous avons reconstitué la base de données des entreprises à participation publique, par forme sociale et secteur d’activité.

Nous en suivons régulièrement les performances financières et apprécions la qualité de la gouvernance.

Nous avons participé à la création de la société des Transports Urbains, des établissements publics en charge de la Cité gouvernementale de Brazzaville, du complexe administratif et commercial de Mpila, etc….

Nous participons aux conseils d’administration de certaines entreprises du portefeuille public.

Nous avons travaillé à la restructuration d’entreprises publiques en difficulté, à la mise en concession en vue d’une exploitation optimale d’ouvrages appartenant à l’Etat et à l’externalisation, à travers des contrats de service, de certaines fonctions insuffisamment couvertes par des entreprises publiques, ainsi qu’à la mise à niveau aux plans juridique, fiscal, social et comptable de certaines entreprises.

Nous avons participé à l’élaboration de la loi sur les partenariats publics-privés et préparons le nouveau cadre légal applicable aux entreprises du portefeuille public.

 

Votre dernier mot pour conclure notre entretien… 

L. O.O : L’entreprise publique, dont je suis un véritable chantre, est l’une des matérialisations les plus aboutie de l’Etat Providence Amélioré car elle est l’un des instrument dédié au bien-être de l’ensemble de la population ainsi qu’à la prospérité de notre pays.

Grace à elle, dans un pays comme le nôtre, nos compatriotes pourront disposer de l’eau, de l’électricité, d’un logement décent, d’un crédit pour réaliser leurs rêves d’entrepreneur, etc.

Grace à elle, notre pays se dotera des moyens de son indépendance économique.

Les entreprises publiques sont notre bien collectif.

Aussi, devons-nous soutenir nos entreprises et nous impliquer assidument et énergiquement lorsque nous y travaillons. Nous devons également les préserver, les développer, les défendre …mais surtout, bien les gérer.

Telle est ma mission au portefeuille public … pour le service de tous.

 

Réalisation : Service Presse

 

 

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