Présentation du projet de loi de finances rectificative exercice 2016

05 juil, 2016

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale,

Honorables Députés,

Mesdames et Messieurs,

Aux noms du Président de la République, du Premier ministre et de toutes les autorités exécutives, permettez-moi de me présenter ce jour, pour la première fois, devant vous, détenteurs du pouvoir législatif, pour accomplir un devoir républicain.

C’est un honneur particulier pour moi de vous présenter le projet de loi de finances rectificative pour l’année 2016, le premier projet de loi de finances de la nouvelle République, et ce conformément à l’article 17 de la loi organique du 3 septembre 2012 relative au régime financier de l’Etat.

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables Députés,

En ma qualité de Ministre en charge des finances, je tiens à renouveler devant cette auguste assemblée ma profonde gratitude à Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat d’une part, et ma considération distinguée à Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement d’autre part, pour la confiance qui a été placée en ma modeste personne pour l’exécution de cette lourde tâche.

C’est une responsabilité qui nous incombe à tous face à la dégradation de la conjoncture économique internationale, qui nous impose des réajustements budgétaires indispensables à la préservation des équilibres macroéconomiques.

En effet, le fondement juridique du présent projet de loi de finances rectificative procède de l’application des dispositions de l’article 8 de la loi n° 20-2012 du 3 septembre 2012 portant loi organique relative au régime financier de l’Etat, je cite :

« Un projet de loi de finances rectificative est déposé au Parlement par le Gouvernement si : 

  • l’atteinte de l’équilibre financier défini par la loi de finances de l’année est compromise ;
  • les recettes constatées en cours d’année sont largement inférieures ou supérieures aux prévisions ;
  • des nouvelles mesures législatives ou réglementaires affectent l’exécution du budget ».

Il se trouve que, depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année, exercice 2016, le niveau des recettes pétrolières est largement inférieur aux prévisions arrêtées dans la loi de finances initiale.

L’hypothèse du prix de baril congolais retenue dans ladite loi de finances  est de 42,5 USD. Or, il n’a pas échappé aux observateurs avertis que vous êtes, qu’au cours du premier trimestre 2016, le cours du baril était bien en deçà de ce niveau.

A titre d’illustration, le baril de Brent qui sert de référence dans le calcul des revenus pétroliers de l’Etat s’est même échangé à 26 dollars le 20 janvier 2016 sur le marché de Londres.

Ainsi, les niveaux des cours du pétrole sur les marchés mondiaux affectent les recettes pétrolières et partant, le niveau d’équilibre souhaité par le Gouvernement.

Par ailleurs, le passage du Congo à la nouvelle république génère de nouvelles dépenses, du fait des institutions créées  par la nouvelle constitution et des changements intervenus au niveau du gouvernement. La prise en compte de ces nouvelles institutions commande des modifications dans la répartition des ressources et l’inscription de nouvelles dépenses dans le budget de l’Etat.

C’est pourquoi, le Gouvernement a procédé à la rectification de la loi de finances initiale et a déposé à la table du parlement ce projet de loi dont je  me propose de vous décliner les contours.

Mon propos s’articulera autour des trois axes principaux ci-après :

  • le contexte économique international et son impact sur l’économie nationale ;
  • les modifications intervenues au niveau de la fiscalité intérieure ;
  • les nouvelles hypothèses sur l’évolution future des cours du baril de pétrole et leur impact sur les priorités retenues par le gouvernement.

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables Députés,

Il est difficile de comprendre le sens et même de faire un examen crédible de ce projet de loi sans avoir une idée sur l’environnement international, un des plus incertains depuis deux ans et le contexte national.

Le présent projet de loi de finances rectificative est élaboré dans un contexte, marqué au plan international par des perspectives économiques moroses et une instabilité sur les marchés mondiaux de pétrole.

Les récentes prévisions du Fonds Monétaire International indiquent que la reprise de l’activité économique mondiale demeure fragile et lente. Le taux de croissance ne devrait augmenter que légèrement pour s’établir autour de 3,2% en 2016 contre 3,1% en 2015.

Les perspectives économiques des pays avancés devraient s’améliorer en 2016 par rapport à l’année précédente. Mais elles restent marquées par la faible progression de la productivité, l’évolution défavorable de la démographie et la faible demande qui continue d’entraver la reprise de la croissance. Cette dernière s’établirait à 1,9% en 2016.

A cela s’ajoutent les incertitudes sur la demande future de pétrole dans un contexte de crise européenne et d’instabilité sur les marchés boursiers et pétroliers mondiaux.

En effet, la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne « BREXIT » pourrait avoir comme conséquences :

  • une chute de la livre sterling ;
  • une hausse des taux d’intérêt, entrainant des restrictions dans l’offre de crédit nécessaire au financement de l’économie mondiale ; 
  • une chute des valeurs boursières sur les places financières résultant de la panique sur les marchés boursiers ;
  • enfin, un effet de contagion sur les marchés financiers internationaux qui sont interdépendants.

Ces différents effets sont de nature à déprimer l’activité économique mondiale et par voie de conséquence, amplifier une baisse des prix du pétrole résultant d’une insuffisance de la demande. 

En outre, la croissance économique dans les pays émergents et en développement qui étaient le moteur de la demande mondiale du pétrole au cours de la dernière décennie, ne serait qu’en légère augmentation cette année passant de 4% en 2015 à 4,1% en 2016.  

C’est ainsi que les économies de la zone CEMAC dont la quasi-totalité des pays sont exportateurs de pétrole sont fortement impactées par le faible niveau des cours du pétrole. La Banque des Etats de l’Afrique Centrale estime d’ailleurs une baisse de la croissance d’environ 0,75 point par rapport aux prévisions d’octobre 2015. Elle devrait se situer à 4,3% dans la zone CEMAC.

Au plan national, suite au démarrage de l’exploitation du gisement de Moho-Nord en fin 2015, la production pétrolière nationale connait une légère augmentation. Celle-ci passerait à 94,124 millions de barils en 2016 contre de 89 millions de barils en 2015.

Malgré le faible niveau des cours du pétrole sur le marché, cette augmentation de la production devrait contribuer à améliorer le taux de croissance qui s’établirait à 4,4% en 2016 contre 4% en 2015.

Le secteur des transports quant à lui devrait maintenir son dynamisme, sous l’impulsion de la modernisation du Port Autonome de Pointe-Noire, l’expansion du trafic par la route Pointe-Noire – Brazzaville - Ouesso et l’amélioration continue des capacités opérationnelles du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO).

Le secteur des télécommunications pourrait voir son activité doubler avec l’extension de la fibre optique.

La production et la transformation de bois devraient se consolider, si la reprise de la croissance dans les économies avancées est confirmée.

Les industries manufacturières devraient soutenir la croissance avec l’entrée en production de nouvelles cimenteries notamment Ciment d’Afrique (CIMAF) en début octobre 2015 et Diamond Ciment en 2016.

L’amélioration des réseaux de distribution de l’énergie et d’eau devrait favoriser l’évolution de l’offre des services d’électricité et d’eau. En effet, la production a été consolidée par l’exploitation du barrage hydroélectrique d’Imboulou, la centrale à gaz de Pointe-Noire et l’entrée en production de la deuxième usine d’adduction d’eau de Djiri.

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables Députés,

Concernant les modifications intervenues au niveau de la fiscalité, de manière globale, celle-ci reste inchangée par rapport à la loi de finances initiale qui déjà marquait une pause.

Cependant, dans le but  d’élargir l’assiette fiscale, il est néanmoins proposé quelques aménagements au niveau de trois impôts : la taxe sur les transferts de fonds, la taxe unique sur les salaires et la taxe sur le trafic des communications électroniques.

En premier lieu, il s’agit pour la taxe sur le transfert des fonds, des paiements faits par des résidents assujettis sur des comptes bancaires en devise ouverts à l’étranger, lorsque les prestations de service ou la livraison de biens y relatifs ont été rendues ou livrées au Congo ;

En second lieu, concernant la taxe unique sur les salaires, il s’agit de la suppression de l’exonération prévue des organisations internationales et gouvernementales, dans le but de rétablir l’équité de la perception par le Congo des droits non exclus par le droit international mais plutôt national ;

En troisième lieu,  l’élargissement de l’assiette  fiscale vise l’extension de la taxe sur le trafic des communications électroniques à tous les opérateurs de télécommunication : opérateurs de téléphonie et fournisseurs d’accès internet.

 

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables Députés,

J’en viens enfin au dernier axe de mon propos, celui relatif aux nouvelles hypothèses sur l’évolution des cours du baril de pétrole et leur impact sur les priorités retenues par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi.

Les hypothèses retenues dans le présent projet de loi de finances rectificative pour la projection des recettes pétrolières sont les suivantes :

  • le prix du Brent à  39,468 USD le baril ;
  • le prix du brut congolais à  35,000 USD le baril, soit une décote de  4,468 USD ;
  • une production pétrolière à  94,125 millions de barils ;
  • un (1) dollar égal 600 francs CFA.

 

Par ailleurs, malgré le durcissement des conditions de financement mondial, influencé principalement par la transition de l’économie chinoise, les recettes externes demeurent au même niveau que dans la de loi finances initiale, soit 339,28 milliards de francs CFA et ce, conformément à la mise en œuvre du partenariat stratégique avec la Chine.

Les incertitudes qui pèsent sur les perspectives de l’économie mondiale, obligent à adopter des politiques budgétaires prudentes. Le Gouvernement va ainsi poursuivre une politique budgétaire modérée, couplée d’une discipline budgétaire effective. Les actions du gouvernement s’inscrivent dans une trajectoire qui garantit la stabilité budgétaire et la soutenabilité des finances publiques.

Ainsi, la politique du gouvernement sera axée sur trois principales priorités, qui traduisent la volonté du Président de la République :

  • d’assurer le développement local à travers la mise en œuvre de la « municipalisation accélérée », dans le département de la Bouenza ;
  • d’impulser la marche vers le développement, dans la poursuite des réalisations des travaux d’infrastructures en cours d’exécution ;
  • et de garantir le fonctionnement de l’Etat.

Tenant compte des incertitudes sur l’évolution des prix du pétrole et des perspectives économiques mondiales, afin de mettre en œuvre les principales priorités de l’action gouvernementale, au titre de ce projet de loi de finances, les charges et les ressources de l’Etat sont réévaluées comme suit :

  • En matière de ressources

Les ressources budgétaires sont établies à la somme de 2 121,5 milliards de francs CFA, contre 2 333 milliards  de francs CFA dans la loi de finances initiale, soit une baisse de  9,1%. Cette baisse s’explique principalement par la prudence qui s’impose  sur l’évolution future du cours du pétrole.

Les recettes fiscales et douanières n’ont connu aucune variation par rapport à la loi de finances initiale et demeurent à 1 046,5 milliards de francs CFA. Ce niveau sera atteint grâce à l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transferts des fonds, de la taxe sur le trafic des communications électroniques et de la taxe unique sur les salaires.

Rentrent également dans le cadre des mesures pour l’amélioration des recettes fiscales, le renforcement des capacités des administrations fiscale et douanière, la sécurisation des recettes et l’amélioration du recouvrement de la taxe sur le titre foncier et de l’impôt forfaitaire global, par un recadrage de leurs modalités d’application.

En raison de l’incertitude qui entoure les recettes pétrolières, l’Etat poursuivra la mise en œuvre des mesures visant à améliorer la capacité de mobilisation des recettes non pétrolières, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ainsi que la réduction des exonérations non conventionnelles.

Les recettes courantes non fiscales se situent à 580 milliards  de francs CFA dans la loi de finances rectificative contre 785,6 milliards de francs CFA dans sa version initiale, soit une baisse de 26,2%.

Les « transferts, dons et legs » sont arrêtés à 156 milliards de francs CFA dans le présent projet de loi de finances rectificative contre 162 milliards  de francs CFA dans la loi initiale, en diminution de 3,7%. 

  • En matière de charges

La réduction des charges budgétaires hors dettes continue d'être guidée par la recherche d'une plus grande efficacité socio-économique et l'amélioration de l’efficience de l’action publique. Ces charges sont  arrêtées à la somme de 2 396 milliards de francs CFA dans le projet de loi de finances rectificative contre 2608 milliards de francs CFA dans la loi initiale, soit une contraction de 8,1%.

La masse salariale est maintenue à 410 milliards de francs CFA dans le présent projet de loi comme dans la loi de finances initiale. Elle prend en compte entre autres le relèvement du point indiciaire des salaires des agents de l’Etat à 275, conformément aux conclusions du dialogue social et le recrutement  de nouveaux agents dans les secteurs de la santé et de l’éducation, au prorata des départs à la retraite.

Les dépenses de fonctionnement courant, qui comprennent les biens et services ainsi que les charges communes, s’établissent à 300 milliards de francs CFA dans le projet de loi de finances rectificative, contre 319,5 milliards de francs CFA dans la loi de finances initiale, soit une baisse de 6%. Cette baisse s’explique par le réaménagement d’une partie des charges communes vers les autres natures de dépenses.

Les dépenses d’intervention de l’Etat révisées augmentent légèrement à 356 milliards de francs CFA contre 345 milliards de francs CFA dans la loi de finances initiale, soit une hausse de 3,2%, en relation avec la prise en compte des nouvelles institutions prévues par la constitution actuelle.

Les dépenses d’investissement, se situent à 1307 milliards de  francs CFA, contre 1510,5 milliards de francs CFA dans sa version initiale, en  diminution de 13,5%. La baisse des recettes pétrolières a fortement influé sur les décisions d’investissement du gouvernement. Les interventions de l’Etat sont centrées sur les priorités sus-indiquées.

Globalement, le projet du budget rectifié de l’Etat, exercice 2016 s’établit en ressources et en charges à la somme de trois mille cinq cent soixante-quatre milliards deux cent quatre-vingt-onze millions (3 564.291.000.000) de francs CFA.

En conclusion, le contexte de morosité économique mondiale, avec ses effets pervers sur l’économie nationale, exige l’observation d’une prudence renforcée en matière de finances publiques. Cela se reflète dans le présent projet de loi de finances rectificative, qui vise principalement  la maîtrise des charges, l’efficacité de la dépense publique, en vue de garantir la soutenabilité des finances publiques.

Telle est,

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables  Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale, Honorables  Députés,

Mesdames et messieurs,

L’économie de ce projet de loi de finances rectificative 2016 soumis à votre examen et approbation.

Je vous remercie pour votre aimable attention

CATÉGORIE:DISCOURS
SOUS-CATÉGORIE:LE MINISTRE,BUDGET